Le corb, ce poisson carnivore, surnommé le « corbeau des mers » en raison des croassements qu’il émet avec sa vessie natatoire, est malheureusement méconnu du grand public, à la différence de son comparse plus célèbre, le mérou.
Pourtant, avec le mérou, le corb fait partie de ce que l’on pourrait appeler le « patrimoine commun de la Méditerranée ». Placé dans le haut de la chaîne alimentaire, le corb joue un rôle essentiel car sa présence dans les espaces marins permet d’apprécier l’état global de conservation des écosystèmes.
Aujourd’hui, la nécessité de préserver le corb en raison de sa vulnérabilité apparaît clairement. D’ailleurs, en matière de droit international, cette volonté de le protéger s’exprime à travers les annexes III de la Convention de Barcelone et de la Convention de Berne. Ainsi, cette dernière mentionne le corb parmi les “Espèces de faune protégées” de l’annexe III, et prévoit l’obligation pour les États parties de prendre les « mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour protéger » ces espèces. Par ailleurs, le corb est inscrit sur la Liste Rouge européenne de 2011 de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) parmi les espèces « Vulnérables ». Rappelons que cette liste constitue un inventaire mondial complet de l’état de la biodiversité permettant d’identifier les menaces pesant sur celle-ci.
Les conventions internationales ne protègent pas le corb
Cependant, ces textes internationaux et dispositifs d’alerte n’aboutissent qu’à une protection symbolique des populations de corb. A titre d’exemple, la Convention de Berne n’est pas invocable par les particuliers. Ainsi, une personne physique ou morale, ne pourra pas intenter un recours en justice contre l’État Français pour défaut de protection du corb et violation des dispositions de la Convention. En effet, celle-ci créant uniquement des obligations entre les États parties et non entre l’État et ses ressortissants. De même, la liste rouge de l’UICN constitue uniquement un « indicateur » ne créant aucune obligation pour les États de prendre des mesures de conservation des espèces.
C’est la raison pour laquelle, il est nécessaire que soient prises, en matière de droit français, des mesures législatives et réglementaires visant à protéger de manière effective le corb dans les zones maritimes territoriales.
Le corb est très sensible à la chasse sous-marine
En effet, en Méditerranée, l’état des populations de corb est, certes, impacté par la pollution mais la principale menace résulte des pratiques recrudescentes de chasse sous-marine et pêche de loisir de ces dernières décennies. Les corbs sont particulièrement vulnérables à cette pratique en raison de la localisation de leur habitat (facilement accessible pour les chasseurs sous-marins), de leur comportement (calme) ainsi que de leur reproduction et croissance lente.
Or, avant 2013, aucune réglementation s’agissant des quotas de pêche des corbs n’avait été mise en place. Il était seulement imposé une taille minimale de capture des corbs de 35 cm.
Cette mesure était dotée d’un effet pervers pour la conservation du corb puisque les proies susceptibles d’être capturées étaient les gros reproducteurs arrivés à l’âge mâture et donc des individus essentiels pour assurer la pérennité de l’espèce.
En 2013, deux arrêtés protègent enfin le corb
L’État Français a bien pris en compte cette menace. En effet, en 2013, deux arrêtés préfectoraux ont interdit, pendant une durée de cinq ans, la pêche sous-marine et la pêche de loisir du corb dans les eaux maritimes au large des Régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon et Corse.
Ces deux arrêtés ont permis, pendant presque 5 ans, le renouvellement des populations de corbs dans les eaux françaises de la Méditerranée. Cependant, ces arrêtés (ou moratoire sur la chasse du corb) sont applicables seulement jusqu’au 23 décembre 2018.
Il est indispensable de reconduire le moratoire sur le corb
Il apparaît donc nécessaire de les reconduire et à long terme, car une durée de 5 ans est bien trop courte pour prétendre reconstituer, à long terme, les populations de corb.
En effet, comme démontré dans l’Etude de Jean Michel Culioli (*) , avant d’envisager toute révision du moratoire, il conviendrait de poursuivre cette mesure pendant au moins 5 nouvelles années afin de permettre de combler le déficit des individus de grande taille et d’aboutir à des résultats positifs d’une ampleur équivalente à ceux observés dans les aires marines protégées.